1. Le fonctionnement sensoriel

1. Le fonctionnement sensoriel

Présentes très largement chez les personnes autistes, les particularités sensorielles ont été mises en avant dans les critères diagnostiques du DSM-5Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e version, une des classifications utilisées pour le diagnostic de l’autisme., ce qui n’était pas le cas auparavant. On retrouve des spécificités dans la manière de traiter l’information à travers les sens, les sensations. Ce traitement particulier de l’information concerne à la fois la façon dont la personne perçoit cette information au niveau sensoriel (par ses sens) et la façon dont elle l’interprète au niveau neurologique (par le cerveau).

Les différents sens

Outre les cinq sens que l’on cite habituellement (la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût), les personnes autistes peuvent montrer des particularités sensorielles à deux autres niveaux que l’on aborde moins fréquemment :

  • Le système proprioceptif (que l’on appelle aussi la « sensibilité profonde ») : il donne, grâce aux perceptions transmises par les muscles et les ligaments, des informations sur la position du corps et de ses différentes parties.
  • Le système vestibulaire (en lien avec un organe situé au niveau de l’oreille interne) : il conditionne tout ce qui touche à l’équilibre et à la manière dont la personne gère ses mouvements par rapport à son environnement animé et inanimé, tout ce qui gravite autour d’elle.

L’intégration sensorielle

L’intégration sensorielle correspond à la capacité à sentir, à comprendre et à organiser les messages que nous transmettent nos sens. Certaines personnes autistes peuvent éprouver des difficultés à traiter, trier et à réguler des stimulations sensorielles qui proviennent souvent de différentes sources. Ces informations peuvent en effet venir de l’extérieur, c’est-à-dire l’environnement de la personne, comme par exemple la température, les stimulations visuelles (lumières, reflets), ou les stimulations auditives (grésillement, musique forte). Mais il peut aussi s’agir d’informations émanant de l’intérieur du corps (position, sensations internes, douleur).

Les difficultés en matière d’intégration sensorielle peuvent altérer le filtrage de l’information, c’est-à-dire la capacité à sélectionner l’information pertinente parmi les signaux donnés par les sens. Par exemple, un élève en classe peut avoir du mal à se concentrer et à écouter le professeur car il est dérangé par tout ce qui se passe autour : les bavardages de ses camarades, le grésillement du néon, le bruit du ventilateur, etc.

Les surcharges sensorielles

Dans certaines situations, si la personne a des difficultés à traiter un grand nombre de stimulations simultanément, cela peut mener à une surcharge sensorielle (le « raz de marée de sensations »). Il est alors difficile pour la personne de donner une signification aux multiples sensations qui lui parviennent et qui peuvent être perçues comme menaçantes, voire douloureuses. → Vous pouvez regarder cette vidéo réalisée dans le cadre du projet « Interacting with Autism » pour mieux vous imaginer une situation de surcharge sensorielle.

Dans ces situations, certaines personnes autistes peuvent se mettre les mains sur les oreilles pour bloquer le son, fermer les yeux pour ne plus percevoir des stimulations visuelles insupportables et se recentrer sur elles-mêmes pour tenter de calmer cette surcharge sensorielle. Cela s’exprime bien sûr différemment en fonction des individus.

La perception du mouvement

Plus récemment, il a été mis en évidence que des personnes autistes pouvaient avoir une perception différente du mouvement et de la vitesse. Certaines informations sensorielles seraient trop rapides pour être traitées efficacement par les personnes autistes. Ces anomalies perturberaient les compétences sociales, car celles-ci demandent une adaptation permanente à l’autre. Par exemple, l’expression du visage de la personne en face n’est pas fixe, elle est toujours en mouvement.

Certaines études ont ainsi montré que ralentir la vitesse de lecture des vidéos permettait d’améliorer la compréhension et notamment le décodage des émotions par des personnes ayant des troubles du spectre de l’autisme. Il existe des logiciels qui permettent de ralentir les vidéos sans perdre en qualité. → C’est le cas du logiciel LOGIRAL, dont vous pouvez découvrir le fonctionnement dans cette vidéo issue du webdocumentaire Le monde de l’autisme.

Hypersensibilité et hyposensibilité

Dans le fonctionnement sensoriel atypique des personnes autistes, on rencontre très fréquemment, parfois chez un même individu, des hypersensibilités ou des hyposensibilités. On parle aussi d’ « hyperréactivité » et d’ « hyporéactivité sensorielle ».

Dans le cas d’une hypersensibilité, les sensations perçues sont amplifiées, trop fortes. La personne va alors chercher à éviter ces stimulations et il faut essayer autant que possible de les diminuer. La personne peut aussi apprendre à utiliser des outils pour atténuer et s’habituer progressivement aux stimulations. Dans le cas d’une hyposensibilité, les stimulations ne sont pas assez ressenties. La personne peut y être indifférente ou bien chercher à les intensifier, ce qu’elle peut apprendre à faire dans un contexte approprié. Certaines personnes ressentent la douleur de manière très atténuée donc il faut y être particulièrement attentif.

Les hyper- et hyposensibilités peuvent fluctuer au cours d’une même journée, selon le contexte ou le niveau de stress et fatigue, mais elles peuvent aussi évoluer au cours de la vie. Tous les sens ne sont pas touchés de la même manière : une personne autiste peut être très gênée pour serrer la main (sensations venant du corps), tout en étant capable de regarder dans les yeux sans difficultés (stimulations visuelles). Les signaux pour un même sens peuvent parfois sembler contradictoires : une personne peut se montrer très intolérante aux stimuli auditifs à certains moments et, à d’autres moments, le bruit même d’un marteau-piqueur va la laisser complètement indifférente.

C’est pourquoi il est nécessaire d’évaluer en finesse le profil sensoriel de la personne avec des outils adaptés mis en œuvre par des spécialistes de l’intégration sensorielle.

Exemples de comportements

Pour terminer, voici un tableau exposant des exemples de comportements liés à des hypersensibilités et des hyposensibilités au niveau des différents sens.

SENS CONCERNÉ EXEMPLES DE COMPORTEMENTS
Hypersensibilité Hyposensibiliité
VUE – Évite de regarder.

– Évite la lumière.

– Joue avec la lumière (avec l’interrupteur).

– Joue avec les doigts devant les yeux.

TOUCHER – Évite le contact direct, refuse les câlins.

– Se déshabille (contact du tissu insupportable).

– Recherche des textures, des objets rugueux.

– A besoin de vêtements serrés.

OUÏE – Se bouche les oreilles.

– A un comportement inadapté quand il y a un bruit soudain.

– Recherche certains sons.

– Émet des sons, crie.

ODORAT – Ne peut entrer dans une pièce en raison d’une odeur.

– Refuse de mettre un vêtement ou de manger dans une assiette (lavés avec des produits « qui sentent »).

– Sent les cheveux fraîchement lavés.

– Recherche des odeurs fortes (sueur, selles…).

GOÛT – Ne peut pas manger un yaourt d’une autre marque.

– Ne peut pas mélanger certains aliments.

– Mange tous les aliments avec du poivre.
PROPRIOCEPTIF – Évite les changements de position. – Aime les vibrations dans la voiture.

– Bouge sans cesse.

VESTIBULAIRE – Évite les changements de position.

– Évite les sols irréguliers.

– Se balance, se bascule.